Vous et le confinement – 19

La tranche de vie d’aujourd’hui, nous vient d’Angleterre.
Victoria est une jeune femme qui habite dans une bourgade non loin de Londres et pas très loin non plus de Chichester et The Witterings, notre ville jumelle. Elle est écrivaine, et créatrice de bijoux et d’objets de décoration en métal.
Voici ce qu’elle nous confie sur son vécu du confinement.
« Le confinement pour moi n’est probablement pas représentatif de ce que beaucoup de gens ont vécu, mais la vie a tout de même un peu changé par rapport à avant.
Mon mari faisait la navette pour Londres chaque jour, environ une heure de train . Quand il n’allait pas à Londres, il voyageait dans des pays comme l’Afrique du Sud, l’Australie et même l’Amérique du Sud. Évidemment, les choses étant telles qu’elles sont dans le monde, rien de tout cela n’est plus arrivé ! Les déplacements ont été remplacés par des appels vidéo interminables avec des gens partout dans le monde, parfois même à une heure du matin pour tenir compte des différences de fuseaux horaires. Heureusement pour son sommeil à long terme, cela n’est pas arrivé trop souvent ! Nous avons décidé très tôt d’essayer de maintenir un rythme de vie régulier. Parce que je suis écrivaine et que je travaille à la maison de toute façon, je connais les pièges et les dangers d’être son propre patron. A savoir qu’il est très facile de dériver, de perdre du temps sur les réseaux sociaux et d’atteindre la fin de la journée sans avoir rien fait. Ce n’est pas parce que j’ai appris ces dangers que je n’y tombe pas tous les jours d’une manière ou d’une autre… J’en ai pris davantage conscience, ce qui, je suppose, est une bonne chose !!!

Avant, quand il avait un train à prendre le matin, mon mari partait souvent sans petit déjeuner, mais maintenant il prend des appels dans son bureau à 7h du matin, et quelques heures plus tard je pousse la porte avec une assiette pour lui.
Nous travaillons tous les deux la majeure partie de la journée. Mais un changement important est intervenu car j’ai déménagé de notre bureau commun pour investir la petite chambre d’amis. Ainsi nous disposons chacun de l’espace et de l’intimité dont nous avons besoin. C’est vraiment agréable d’avoir mon propre espace réservé à ma créativité. C’est vraiment spécial. Cela ne serait probablement pas arrivé sans le confinement et la nécessité pour mon époux de prendre des appels pendant la journée.

Nous avons la chance de vivre dans un petit village rural du Hampshire, et il y a des promenades locales que nous pouvons faire en une demi-heure pour évacuer le stress de la journée et nous dégourdir les jambes. Vers 15h30 tous les après-midi, il réserve un « temps libre » sur son planning de travail pour aller se promener avec moi, ce qui est devenu une belle routine.
J’ai essayé de maintenir un programme d’entraînement et de yoga régulier, mais comme je suis paresseuse et sujette à la procrastination, cela est plutôt tombé à l’eau. À l’approche de l’été, je suis cependant déterminée à reprendre.

Divers membres de ma famille immédiate font partie de la catégorie « à risque ». Avec mon beau-père dans la soixantaine, et ma belle-mère ayant subi un accident vasculaire cérébral il y a plusieurs années et souffrant également d’asthme, leur bien-être est une préoccupation constante. Mais heureusement, ils semblent tous aller bien, physiquement et mentalement.
Je suis restée très proche de ma mère et elle commence vraiment à me manquer. Avant, elle nous rendait visite, restait plusieurs jours et nous pouvions marcher ensemble dans la campagne. J’allais aussi la voir en voiture, mais cela fait trop longtemps que nous n’avons pas pu le faire. J’ai vraiment hâte de pouvoir de pouvoir à nouveau prendre quelqu’un dans mes bras, et ce sera certainement ma mère que j’étreindrai en premier !

La plupart de mes amis (au nombre très limité) est issue d’Internet. Ils sont dispersés à travers le monde. J’ai pu maintenir le contact, bien que la plupart du temps je n’ai pas beaucoup d’énergie mentale pour tendre la main vers eux. Le confinement a été plus épuisant mentalement que je ne le pensais, mais en être consciente m’a aidée à en gérer les effets.


Quand il a été annoncé pour la première fois, j’ai essayé d’utiliser le confinement comme une chance de regarder à l’intérieur de moi-même et de réexaminer la façon dont je vis ma vie. Je n’en suis pas là où je pensais l’être sur le plan de la carrière, quand j’ai quitté l’université en 2013, et je lutte avec des sentiments d’insuffisance et de déception, mais j’apprends à regarder les choses différemment !
Pour la maison, j’ai adopté la méthode Marie Kondo pour plier mes vêtements et essayé de rationaliser un peu nos affaires, en me concentrant également sur la culture de plantes dans le jardin et en réorganisant un peu notre intérieur pour donner l’impression d’un nouveau départ.
Le processus du confinement a mis en lumière certains des aspects les moins attrayants de ma vie et de mon caractère, mais je pense qu’il est important de ne pas les éviter. Mon mari et moi avons parlé plus ouvertement et librement lors de nos promenades quotidiennes, et j’ai l’impression que nous nous connaissons encore mieux désormais. Miraculeusement, nous n’avons jamais eu de véritable dispute au cours des huit années que nous avons passées ensemble ; au contraire, nous avons appris l’importance de discuter de tout problème avant qu’il ne se pose vraiment.
La vie pendant le confinement m’a proposé quelques petits défis. Mais je me souviens de ma grand-mère qui est née dans les bidonvilles de l’est de Londres en 1918 lors de l’épidémie de grippe espagnole. Son père est décédé de la grippe le jour de sa naissance et sa mère l’a élevée seule, ainsi que ses quatre frères et sœurs. Son cadeau de Noël était une noix et, si elle avait de la chance, une orange. Sa maison d’enfance était inondée chaque année avec le changement des niveaux d’eau de la Tamise, puis a été bombardée pendant la guerre. Elle a tout perdu trois fois.

Si elle a survécu à tout cela et s’est révélée être la femme gentille, attentionnée et capable, qui m’a aidée à grandir, alors nous pouvons tous attendre le déconfinement avec grâce et patience. »

 

traduction : Clémentine Béville

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