Mes guerres 4

Heureusement, l’école était terminée, et il fallait des instituteurs.

J’ai vite posé ma candidature, à la grande surprise de mon capitaine qui ne comprenait pas pourquoi je changeais un poste en or, tranquille, bien logé, bien protégé, contre une vie provisoire ailleurs, en poste à l’extérieur …

L’école était construite mais il n’y avait rien dedans.
L’armée nous a fourni des bois, de l’isorel, des outils, nous avons construit des tables, des bancs.
J’avais la classe des petits, en deux fournées, une de 30 le matin, et une autre de 30 l’après midi.
Comme ils ne parlaient pas, j’ai appris quelques rudiments d’arabe.
Ils n’avaient rien, ils avaient faim, ils étaient malades. Le copain postier, promu infirmier dans le poste, faisait les piqûres, nous donnait de quoi soigner le trachome qui les aveuglait. On vaccinait aussi. Il y avait de l’eau, beaucoup plus que dans leur ancien village, là-haut, dans la montagne, avec leurs trois ou quatre chèvres. Ils pouvaient apprendre à se laver.

Et puis un jour, il y a eu la création d’un autre village de regroupement, plus haut, à une heure de marche à pied. Il devait rester quelques familles isolées, qu’il fallait « mettre à l’abri ».
Sur un pan de montagne un peu moins pentu qu’à côté, l’armée a planté un carré de barbelés, et a décidé qu’ils devaient habiter là.
Il y avait une source pas loin, un maigre ruisseau. L’armée a fourni les tuyaux. L’eau est arrivée à l’intérieur du carré de barbelés, de quoi faire de la boue, du torchis. Avec les herbes de la montagne autour pour faire des toits, avec les roseaux, ça pouvait faire des cabanes très primitives pour abriter la famille (mais pas les chèvres, ni les moutons).

L’armée a fourni les parpaings pour construire le poste, presque aussi rustique que les cabanes autour, mais il était en dur, et devait nous protéger des balles….

Une fois tout le monde logé, après la mise en route de l’infirmerie, fréquentée tous les matins, ça a été le tour de l’école.
Tout le village s’y est mis. Les hommes sciaient, coupaient les madriers, les femmes faisaient la cuisine, tout le monde mangeait ensemble …
Une charpente, un toit, des bancs, un tableau noir, des cahiers, des crayons, l’école pouvait commencer, ouverte, presque en plein air
Trois instits accueillaient tous les enfants, garçons et filles mélangés. Les parents étaient fiers : leurs enfants allaient à l’école, une grande nouveauté qu’ils n ‘avaient jamais connue, eux…
La vie du village s’organisait : des jardins juste à côté, à l’extérieur des barbelés. Ça ne poussait pas trop bien, la terre était dure, sèche. Quand on creusait, quelquefois, les laboureurs tombaient sur des pièces romaines. Il y avait partout des vestiges romains enfouis. Certains copains sont revenus de là-bas avec des lampes à huile entières, en bon état, qu’il avaient achetées aux gamins qui les avaient trouvées.


(à suivre)

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