Régulièrement, l’armée fournissait des sacs de farine, des denrées, du sel, du sucre, des produits de première nécessité.
Sans cette manne qui arrivait, il n’y aurait rien eu à manger entre les barbelés.
Les femmes allaient dans le journée ramasser de longues herbes avec lesquelles elles tressaient des paniers qu’on leur achetait. D’autres proposaient de faire nos lessives, ce qui leur donnait de quoi acheter d’autres produits que l’armée ne fournissait pas. Les familles pouvaient descendre en ville dans la journée, mais tout le monde devait être rentré le soir. Il fallait faire un appel.
Nous étions une SAS. « Les SAS avaient pour mission de permettre aux populations de bénéficier de services comme l’instruction, l’assistance médicale, l’aide au développement rural…. »
Nous étions aussi les yeux et les oreilles de l’armée qui essayait d’avoir des renseignements…. A ce titre nous étions considérés un peu comme le 2ème bureau.
On commençait sérieusement à entendre parler de la fin de cette guerre, des négociations en cours.
Notre vie était tranquille, il ne se passait rien. Et on avait envie qu’il ne se passe rien.
En tant qu’instit’ nous avions négocié nos activités : puisque nous faisions l’école toute la journée, nus avions obtenu de ne pas participer à d’éventuelles actions guerrières : donc pas d’embuscades, pas de patrouilles. De toute façon d’un commun accord dans le poste, nous évitions au maximum tout ce qui pouvait nuire à la tranquillité (apparente) de la région. Nous nous doutions bien que la nuit, quelquefois, les barbelés n’étaient pas aussi étanches que ça.
Nous, les enseignants, nous étions apparemment très respectés. Nous étions convaincus de notre travail. Certains de nos grands élèves avaient passé et réussi leur certificat d’études …
Quand je descendais à pied, tout seul, jusqu’à la ville, au bord de la mer, avec toute l’inconscience qu’on peut avoir à cet âge là, j’étais surpris de voir quelques vieux que je croisais dans la rue venir me saluer « salam chir », « bonjour maître ». Il ne fait aucun doute que nous étions repérés, surveillés.
(à suivre)