L’artificialisation des sols

C’est quoi ?
Pour Novethic, l’artificialisation des sols consiste à convertir des terres agricoles, forestières ou naturelles pour l’urbanisation ou le développement.
Pour Wikipédia, l’artificialisation du sol ou d’un milieu, d’un habitat naturel ou semi-naturel, est la perte des qualités qui sont celles d’un milieu naturel : sa naturalité, qualité qui inclut une capacité autoentretenue à abriter une certaine biodiversité avec des cycles naturels (cycles du carbone, de l’azote, de l’eau, de l’oxygène…) et des qualités biogéochimiques (puits de carbone par exemple). Elle s’accompagne généralement d’une perte de capacité d’auto-cicatrisation de la part du milieu (moindre résilience écologique) et à titre d’exemple l’artificialisation de la nature dans les espaces verts, golfs, sur les talus routiers ou par l’éclairage artificiel peut respectivement induire des situations de piège écologique, d’impacts plus ou moins négatifs, de roadkill (animaux écrasés ou blessés par les véhicules), de nuisances et pollution lumineuse, etc.
– Pour Eurostat (direction générale de la Commission européenne chargée de l’information statistique à l’échelle communautaire), les sols artificialisés recouvrent les sols bâtis et les sols revêtus et stabilisés : routes, voies ferrées, parkings, chemins…
– Pour le ministère de l’Agriculture la définition est plus large et recouvre également d’autres «sols artificialisés comme les chantiers, les terrains vagues, et les espaces verts artificiels. L’artificialisation correspond à un changement d’utilisation, laquelle n’est pas nécessairement irréversible. »

L’artificialisation concerne quoi ?
Les espaces artificialisés sont constitués pour deux tiers de sols imperméabilisés (des sols non bâtis comme les routes, les parkings,… et des sols bâtis) et pour un dernier tiers de surfaces non imperméabilisées (essentiellement des sols enherbés en périphérie du bâti comme les jardins, les terrains de sport, les chemins de terre, des chantiers…).

Pourquoi c’est important ?
– D’abord parce que l’artificialisation des sols progresse plus vite que la croissance démographique et économique, ce qui signifie que même quand il n’y a pas de besoin spécifique, les sols sont bétonnés. (Institut du Développement Durable et des Relations Internationales).
A ce rythme d’ici la fin du siècle, 18 % du territoire seront artificialisés. Une situation qui pose la question de la souveraineté alimentaire de la France et de sa capacité à résister au changement climatique, car « …les terres agricoles permettent de capter le carbone mais également l’eau qui recharge les nappes phréatiques » d’après Emmanuel Hyest, président des Sociétés d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural (Safer). Pour lui, il faut considérer les terres agricoles comme des surfaces intouchables, à l’instar des forêts.
– Ensuite parce qu’il y a non seulement perte de ressources en sol pour l’usage agricole et pour les espaces naturels mais imperméabilisation de certains sols, d’où vulnérabilité aux inondations. Les dommages occasionnés par l’artificialisation sont très différents, selon qu’elle soit émiettée ou continue, et selon le contexte environnemental (si elle se situe en zone inondable ou non).
– Moins de terres agricoles, davantage de « banlieues » c’est à dire étalement urbain (environ un tiers des surfaces artificialisées sont dues à l’étalement urbain). Ce sont les infrastructures de transport et l’habitat individuel qui sont les premiers responsables de l’accélération avec des impacts sur les modes de vie. Si les ménages doivent passer plus de temps dans les transports ou davantage emprunter la voiture, cela a un impact sur les émissions de gaz à effet de serre (GES).
D’après un rapport (23 juillet2019) le niveau élevé d’artificialisation des terres s’explique par la sous-exploitation du bâti existant (logements et bureaux vides) ainsi que par le grand différentiel de prix du foncier et d’imposition locale entre centre et périphérie qui peut aussi inciter les entreprises à s’implanter en périphérie.
La dynamique de croissance de l’artificialisation est très inégalement répartie sur le territoire. Elle se concentre sur les métropoles et les zones côtières. À l’échelle des communes, une corrélation est observée entre densité de population et taux d’artificialisation.
– L’impact sur l’emploi n’est pas à négliger : liée à l’accaparement des territoires, l’artificialisation « favorise l’agriculture intensive, la mécanisation et les monocultures. Cela a évidemment un impact sur la biodiversité puisqu’il y a moins de variétés de cultures », dénonce Guy Kastler de la Confédération Paysanne. « L’agrandissement de ces exploitations ne rime pas avec une augmentation de la main d’œuvre, au contraire. On met en péril le modèle d’agriculture familial français ».

Qu’est-ce qu’on peut faire ?
– Avec le Plan Biodiversité (4 juillet 2018) le gouvernement français prévoit d’atteindre le «zéro artificialisation nette» (voulu par Emmanuel Macron). Cela « suppose que toute nouvelle construction devrait être compensée par une déconstruction équivalente, par exemple dans des zones d’activités devenues vacantes ou des parkings surdimensionnés », rappelle l’Iddri.
Il s’engage également à publier tous les ans, un état des lieux de la consommation des espaces, mis à la disposition des territoires et des citoyens. (données transparentes, comparables à toutes les échelles territoriales). Depuis le 1er juillet 2019, il existe un portail sur l’artificialisation, consultable par tous :  https://artificialisation.biodiversitetousvivants.fr/
– Le député Dominique Potier (socialiste de Meurthe et Moselle) milite pour une nouvelle loi foncière qui passerait par la reconnaissance de la terre comme bien commun de la nation. « Il y a des failles législatives qui permettent à des sociétés de capitaux de prendre la main sur l’agriculture française (de plus en plus de personnes morales achètent les terres agricoles au détriment des agriculteurs. Il s’agit d’investisseurs français mais aussi de holdings étrangères – en particulier chinoises-). Il y a un triple enjeu, à la fois de souveraineté alimentaire, de renouvellement des agriculteurs et de réchauffement climatique »
Adapter le cadre fiscal qui aujourd’hui contient une trentaine de taxes.
Inciter à la renaturation : d’après une modélisation du plan « zéro artificialisation nette dès 2030 », il faudrait : réduire de 70 % l’artificialisation brute et renaturer 5 500 hectares de terres artificialisées  par an… Pour ce faire, voici quelques pistes proposées :
   – favoriser la densification avec des outils réglementaires ou fiscaux : introduire dans les plans locaux d’urbanisme un coefficient d’occupation des sols minimal et fixer une part minimale de nouvelles constructions à réaliser sur des zones déjà artificialisées,
   – exclure du dispositif Pinel et du prêt à taux zéro les constructions sur des terres non artificialisées,
   – exonérer totalement de taxe d’aménagement les projets qui ne changent pas l’emprise au sol bâti (surélévation, rénovation, reconstruction)…
   – structurer la gouvernance de l’artificialisation des sols : par exemple, définir dans les instruments de planification intercommunaux des cibles d’espaces naturels susceptibles d’être artificialisés ainsi que de surfaces à renaturer.
   – étudier les mécanismes permettant de conditionner l’artificialisation des sols à une renaturation équivalente : instaurer des marchés de droit à artificialiser ou un malus sur l’artificialisation intégré à la taxe d’aménagement (les recettes serviraient à financer les opérations de renaturation des sols et de densification du foncier bâti existant) …

Sources :
– Marina Fabre, @fabre_marina dans https://www.novethic.fr/actualite/environnement/agriculture/isr-rse/l-artificialisation-des-sols-progresse-plus-vite-que-la-croissance-demographique-et-economique-147106.html
https://www.lagazettedescommunes.com/633621/zero-artificialisation-des-sols-en-2030-un-scenario-ambitieux-mais-possible/
– Corine Land Cover (inventaire biophysique de l’occupation des sols et de son évolution selon une nomenclature en 44 postes) https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/corine-land-cover-0
https://www.strategie.gouv.fr/publications/objectif-zero-artificialisation-nette-leviers-proteger-sols

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