… la preuve ?
Les oies Bernache Cravant sont revenues ! La France est un axe de migration majeur à l’échelle du globe. Le long des fleuves, des vallées, passant par les cols escarpés, les oiseaux empruntent les voies qui leur sont les plus favorables. D’autres choisissent le littoral, préférant longer les côtes et survoler la mer. C’est le cas de la Bernache cravant. Pendant l’hiver, elle investit abondamment notre estran.
La migration répond à des exigences écologiques qui conditionnent la vie des oiseaux : survivre, se nourrir, se reproduire pour assurer la pérennité de l’espèce…
La Bernache cravant, qui est-elle ?
Nom vernaculaire : Bernache cravant Nom latin : Branta bernicla
Longueur : 56 – 61 cm
Envergure : 105 – 117 cm
Poids : 1,2 à 1,7 kg
Longévité : Environ 19 ans
Le plumage de la Bernache cravant est semblable pour les deux sexes. La présence de liserés blancs sur les ailes permet de différencier les jeunes de l’année, des adultes.
La Bernache cravant dispose de pattes palmées adaptées à la locomotion aquatique. On ne la rencontre que sur le littoral.
Son cri sonore est nasal et guttural : un « rrouk rrouk keuoukk kièk root » assez grave, émis à terre comme en vol.
Que mange-t-elle ?
La Bernache cravant est exclusivement herbivore. Ce régime, contraint par les saisons, rend la Bernache très vulnérable aux évolutions actuelles de l’environnement, notamment au réchauffement climatique. Elle savoure zostères naine et marine, algues vertes du genre Enteromorpha, mais aussi puccinellie, une petite graminée qui se développe dans les prés enherbés.
Une espèce grégaire et sociable :
Elle vit en groupes structurés qui réunissent plusieurs familles, rassemblements pouvant ainsi compter plusieurs milliers d’individus. On peut la voir s’alimenter dans les baies, les estuaires et les bords de mer, où la taille des groupes et la durée du séjour dépendent de la ressource alimentaire.
Vivre ensemble est une stratégie assurant une meilleure survie car au sein d’un groupe, les efforts de vigilance sont mutualisés. Ainsi, chaque individu peut consacrer plus de temps à s’alimenter. Le grégarisme améliore les échanges sociaux, notamment la formation des couples. Saviez-vous que lors de leur premier séjour hivernal, les jeunes restent auprès de leurs deux parents ?
3 sous-espèces de Bernache Cravant :
– la Bernache cravant à ventre sombre (Branta bernicla bernicla) niche en Russie et en Sibérie. Cette oie migre par la mer Baltique vers le nord-ouest de l’Europe. Elle a le ventre sombre, les flancs un peu plus clairs et un dessus gris foncé. C’est la plus commune, celle qui vit sur nos côtes !
– la Bernache cravant à ventre pâle (Branta bernicla hrota) niche au Groënland, au Svalbard (à mi-chemin entre la Norvège et le Pôle nord) mais également sur les côtes est et nord-est du Haut-Arctique canadien. Cette espèce est également présente en France avec quelques centaines d’individus sur la presqu’Île du Cotentin (Normandie)
– la Bernache du Pacifique (Branta bernicla nigricans) qui se subdivise en deux populations. L’une nichant de l’Alaska au nord-ouest du Haut-Arctique canadien tandis que l’autre niche de la Yakoutie à la Sibérie orientale.
Comment se reproduit-elle ?
Dans les pays froids, la période de reproduction est courte, coincée entre deux hivers très proches. Pour gagner du temps, la formation du couple a donc souvent lieu dès l’hiver pendant la période internuptiale. Les couples s’unissent pour la vie.
C’est sur la péninsule du Taïmyr, entre la péninsule de Yamal et Yakoutie, que niche la Bernache cravant à ventre sombre. La femelle pond de 1 à 6 œufs qu’elle va couver seule durant 24 à 26 jours. Le nid, posé à même le sol dans la toundra, est garni de duvet. Durant cette période, le mâle défend le nid contre tout intrus. Seuls 1 ou 2 jeunes répondront présents à l’envol. À l’âge de 40 jours, les jeunes sont prêts à prendre leur envol ! Ils suivront leurs parents tout au long de la migration et de l’hivernage, avant de prendre enfin leur autonomie au printemps suivant. Ce n’est qu’à partir de 3 ans qu’ils atteindront leur maturité sexuelle et pourront, à leur tour, se reproduire tout en continuant d’accompagner leurs parents avec leurs propres jeunes.
On dit des poussins bernaches qu’ils sont nidifuges : dès la sortie de l’œuf, ils sont capables de se déplacer et suivre leurs parents ! Ils savent aussi s’alimenter seuls, les parents assurant leur protection.
La Bernache Cravant est-elle en danger ?
Les comptages existent en France depuis 1967, sous la coordination actuelle du Réseau National Bernache. Ils sont réalisés une fois par mois durant l’hiver. Ces comptages sont réalisés aux mêmes dates mensuelles à l’échelle européenne. De précieux indicateurs relatifs à la taille des populations et aux tendances démographiques sont ainsi fournis.
Malgré l’augmentation du nombre de Bernaches cravant présentes en France, la population mondiale est en déclin en raison de diverses menaces. La présence de cette oie de Sibérie constitue un précieux indicateur de l’état de conservation de la biodiversité et de la bonne santé du milieu.
La France détient une responsabilité majeure pour la conservation de cette espèce en accueillant près de 70 % de la population lors du pic d’hivernage, période qui représente dans le cycle annuel des oiseaux environ 7 à 8 mois. Et si sa présence ne nous concerne directement qu’une fois l’hiver venu, c’est chaque jour que nos comportements influencent la qualité d’un environnement qui est aussi le nôtre.
Une espèce menacée en déclin à cause de :
– la régression des habitats : l’aménagement du littoral en faveur du développement touristique ou encore des extensions portuaires apparaît actuellement comme la menace principale, influençant la fragmentation, voire la disparition des habitats favorables.
– la multiplication des activités de loisirs : le dérangement par des activités de loisirs comme la pêche, la planche à voile, le kayak de mer, le kite surf, le scooter de mer, la chasse, etc… En respectant quelques règles, les sports nautiques peuvent être pratiqués sans déranger l’oiseau.
– la diminution des herbiers : la diminution des herbiers de zostères par une dégradation de la qualité de l’eau, due à des causes naturelles et anthropiques (liées à l’action de l’homme sur le milieu).
– les changements climatiques : tant sur les secteurs d’hivernage que sur les zones de nidification, sont également des facteurs pouvant expliquer ce déclin. Le milieu alors perturbé ne répond plus aux exigences de l’oiseau.
La Bernache Cravant, une espèce protégée
Elle est protégée dans tous les pays de son aire de répartition, excepté en Russie où elle est chassée pour des besoins alimentaires par les populations nomades du Grand Nord.
Elle bénéficie d’un Plan d’Action International pour la conservation d’une espèce dont les populations sont fortement menacées.
En France, un décret a été établi le 5 avril 1962 et un arrêté ministériel en 1981 car elle est considérée comme «nécessitant une attention particulière en raison de sa dépendance à un type d’habitat gravement menacé».
D’autres outils et moyens sont mis en œuvre pour protéger cette espèce : elle est par exemple inscrite dans l’annexe II de la directive européenne «Oiseaux». Elle est également mentionnée dans l’annexe III de la Convention de Berne, cherchant à protéger les espèces migratrices menacées d’extinction.
La mise en œuvre d’outils tels que Natura 2000 et la présence de structures telles que le Parc Naturel Marin du bassin d’Arcachon devraient aider les populations locales et les utilisateurs de ces espaces à agir de façon responsable en faveur de la préservation du patrimoine naturel.