Les nouvelles nous viennent d’Aida, jeune femme espagnole de Murcia, ville la plus touchée d’Espagne par le Covid-19. Elle nous a écrit en anglais. C’est Clémentine Béville qui a traduit.
« Je dois dire que les premiers jours de confinement ont été assez difficiles et je suis entrée en « mode-survie », ce truc que fait notre cerveau pour essayer de nier la réalité et ne pas paniquer. Je n’ai donc pas de grands souvenirs de ces jours-là. Mais par la suite, je me suis dit « hé, c’est pas (encore) la fin du monde, tu vas te réveiller ma fille ! » J’ai parlé à ma sœur, qui est médecin aux services des urgences ; elle m’a donné quelques conseils pour essayer d’avoir une routine plus saine pendant la quarantaine.
Je travaille à domicile depuis 2014, donc objectivement, ma vie n’a pas subi de changement radical. En fait, je me sentais même mieux que d’habitude parce que, pour la première fois de ma vie, mon petit ami était à la maison avec moi. J’étais contente de ne pas avoir à vivre ça toute seule. On a trouvé beaucoup de choses insolites à faire ensemble : des escape-rooms virtuelles, des jeux de société, des jeux vidéo et aussi de la cuisine ! On a principalement mangé du riz et des pâtes avec des légumes en conserve.
Notre quartier a été bouclé à cause d’une forte concentration du virus et on a tous été testés. Comme j’ai été testée positive, mon petit ami et moi avons dû rester à la maison et ne jamais en sortir. Tout mon quartier était complètement fermé du reste de la ville. Les autorités nous ont appelés « la Wuhan de Murcia » (le Wuhan de Murcie). Du 13 avril au 11 mai, on n’a pas pu faire de courses à l’épicerie (et même pas commander en ligne), donc ce furent les moments les plus difficiles. L’armée nous a fourni encore plus de riz et de pâtes.
On faisait du sport à la maison. Avant je faisais du vélo d’appartement mais à cause de ma terrible pneumonie en février dernier, j’avais perdu l’habitude. Ma sœur m’a dit que je devais faire de l’exercice, que je devais rester active pour vaincre le virus au cas où il serait encore présent dans mon corps. Alors oui, je déteste faire de l’exercice mais je déteste encore plus être malade !
Après ce mois d’isolement total, mon copain a enfin pu sortir faire quelques courses, mais il n’y avait pas de distribution de masque (qui sont obligatoires ici). On a donc dû en coudre nous-mêmes avec du vieux tissu et du papier toilette. Comme j’ai été testée positive, j’ai appelé les autorités car j’avais besoin d’un masque chirurgical, et elles nous en ont gentiment fourni quelques-uns.
Le 13 mai dernier, j’ai quitté ma maison après 4 MOIS en quarantaine (j’étais restée cloîtrée en février à cause de ma pneumonie, avant le confinement officiel et le bouclage total de mon quartier).
Nous ne sommes plus confinés désormais mais on doit autant que possible rester chez nous car ce n’est pas encore fini ; notre ville est toujours l’une des plus contagieuses d’Espagne. Mais au moins, on n’a plus l’armée et les chars de guerre (sérieux, il y en avait deux dans notre rue, et j’avais l’impression qu’ils étaient prêts à tirer dès que quelqu’un bravait l’isolement ha! ha! ha!).
À propos des relations… eh bien, ma relation avec mon petit ami s’est beaucoup améliorée. Elle n’a jamais été mauvaise mais le temps qu’on a passé ensemble a été thérapeutique.
J’ai fait des appels vidéo avec mes amis et mes parents, mais honnêtement, je ne suis pas branchée Skype. Ça m’a fait réaliser à quel point ils me manquaient et j’ai préféré simplement discuter avec eux par téléphone.
Cette crise m’a aussi fait repenser aux mauvaises choses que j’ai faites dans ma vie. J’ai décidé d’appeler ces gens à qui je ne parlais plus depuis des années, pour leur demander s’ils étaient en sécurité et comment ils se débrouillaient. Je me suis excusée. Et nous sommes toujours en contact depuis.
C’est drôle de devoir attendre d’être tous enfermés pour renforcer nos relations…
Petit aperçu de Murcia :