La rentrée de Nicolas

Ce matin, on est retournés à l’école.
Avant, on devait rester à la maison à cause du virus et pis tout ça, mais un drôle de Monsieur tout chauve a dit à la télé qu’on était plus contagieux alors on a pu y retourner, sauf Albane, parce que sa maman elle est vénérable et que c’est dangereux.
Dans la cour, c’était rigolo. Il y avait des cases pour chaque classe. On ne pouvait pas courir, ni jouer au loup, ni se mélanger. Maixent portait un drôle de masque, Agathe avait de gros gants jaunes en caoutchouc et Sofiane sprayait du gel alcoolique sur tous ceux qui s’approchaient de lui. Rufus a traité Maixent de babouin, à cause de son masque. Maixent lui a demandé s’il voulait qu’il lui colle une grosse baffe, le babouin, pour voir ? Et Rufus a répondu que non, qu’il ne pouvait pas, à cause de la distance de sécurité, nananère.
Ensuite, la maîtresse est venue nous chercher. Dans la classe, elle nous a tout bien expliqué. On s’est tous lavé les mains, sauf Agathe, qui a refusé d’ôter ses gros gants. Geoffroy a giclé Marie-Berthe qui s’est mise à pleurer à cause des gouttelettes, parce qu’elle allait mourir.
La maîtresse lui a dit que non, elle n’allait pas mourir, mais qu’il ne fallait pas se gicler quand même.
Kevin a dit que ouais, les enfants, d’abord, y risquaient rien, son papa y disait. Que ces histoires de virus, c’était encore une combine des profs pour travailler moins et pis qu’ils étaient tous gauchers, au gouvernement, de toute façon !
La maitresse elle a fait une tête bizarre avec la bouche toute pincée. Elle a dit à Kevin de remercier son papa de sa part et Kevin a dit de rien.
C’est là que Bernadette, elle s’est mise à pleurer, rapport à sa grand-mère qui était morte et du corona qui tue les grands-parents. Là, la maîtresse, était bien embêtée, parce qu’elle ne savait pas que la grand-mère de Bernadette et ben, elle était décédée du coronavirus. Mais Bernadette elle a dit que non, que sa grand-maman, elle était morte il y a très très longtemps, mais qu’elle était triste quand même.
Tout à coup, Geoffroy a sprayé du gel alcoolique dans les yeux de Bastien qui s’est mis à hurler. La maîtresse a confisqué le spray de Geoffroy qui s’est mis à pleurer et Blaise a déclaré que de toute façon, l’alcoolique, c’était dangereux pour la santé et pis que c’était pas une vie, sa mère elle disait, y’avait qu’à voir Tonton Bébert!
La maîtresse, elle avait un drôle de tic au niveau des sourcils quand elle nous a dit de sortir nos goûters. Marie-Berthe a recommencé à pleurer parce qu’Agnan et Sofiane avaient échangé leur goûter et qu’ils allaient mourir, rapport au virus.
C’est là que la maîtresse s’est levée. Toute droite, toute blanche, avec des taches très rouges sur les joues et qu’elle a crié que personne-n’allait-mourir-nom-d’une-pipe combien-de-fois-elle-allait-devoir-le-répéter.
Elle nous a expédié dehors et elle est allée se chercher un café.
Rufus dit qu’il est pas sûr sûr, mais que c’est bien possible qu’elle soit contaminée…

*Un clin d’oeil (que je pensais évident mais que je mets noir sur blanc pour consoler les fâcheux) à mes inégalables lectures d’enfance que vous aurez tous reconnues je l’espère : Le Petit Nicolas, de Goscinny et Sempé, bien sûr ! 😉 Annick

 

 

 

 

 

Nous ne connaissons pas Annick, l’auteure de ce texte, mais nous tenons à la remercier pour son humour et à la féliciter pour son talent d’écrivaine.

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